Vous avez certainement remarqué son absence depuis un peu plus de 2 semaines à l’antenne. La célèbre présentatrice du 13h sur la CRTV était alitée, sous soins médicaux et se débattant contre le covid19. Après la découverte du virus dans son organisme, la journaliste qui continue de suivre un traitement, se confie dans un message publié ce vendredi 15 mai.
‹‹ DE MON LIT DE COVIDEE…
30 avril. Quelques frissons. Un état fébrile. Peut-être un peu de fatigue qui demande du repos. Ou alors ces petits stress qu’on accumule au quotidien au moment d’aller parler à l’oreille de millions d’auditeurs. Et si c’était un palu…
Vas donc pour une cure classique sous les conseils du médecin Jean-Louis ABENA. Mon état ne va pas s’améliorer au bout de cette combinaison d’antipaludéen et de paracétamol. Je ne me sens pas mieux non plus après trois perfusions. La tête est de plus en plus lourde. La fièvre s’entête. Les douleurs musculaires sont incommodantes. Les narines commencent à se congestionner. Je mange normalement mais j’ai visiblement perdu deux sens : l’Odorat et le Goût. Je mange pour nourrir un corps meurtri. Les symptômes s’accumulent. Mon état ne s’améliore pas. Mon esprit va en vrille. Les questions s’y bousculent. Seigneur ! Et si c’était ça ? Comment aurai-je pu l’attraper alors que je croyais faire attention ? La poignée d’une porte ? Le micro ? Une bouteille d’eau ? De l’argent que j’aurais manipulé ? Où ? Quand ? Comment ?
Je veux être fixée. Un coup de fil au Pr BOWOLE que j’ai eu la veille. Mon coup de fil va déclencher le dispositif d’alerte. Le test se fera dans la foulée, par une lourde équipe envoyée à la maison par le Dr ZE MEKA. Il faut cependant attendre 24 heures pour les résultats.
J’avais regardé Le jour le plus long. En attendant les résultats du test, je découvre un autre film à réaliser et à produire probablement : La nuit sans fin
La maisonnée est mobilisée et est aux petits soins. Seulement, la vue de mes frères et sœurs provoque en moi un infini chagrin. Un flot de questions. De la tristesse. Mon sommeil s’entrecoupe. Des sueurs froides. Le cœur bat la chamade. L’inconnu. La peur. Mais Dieu et la prière, sont mes remparts.
Lundi. Mon souffle est lent. La fatigue est insupportable. Le jour enfin. Un coup de fil matinal. C’est le Pr Eugène SOBNGWUI. Il est au cœur du dispositif de riposte contre le Covid-19 au Cameroun. Je dois être transportée immédiatement à l’Hôpital Central de Yaoundé. Mes frères et sœurs font tout pour ne pas laisser apparaître sur leurs pommettes, les sillons de leurs tensions, de leurs appréhensions.
Le brouillard qui enveloppe peu à peu tout mon être me laisse néanmoins de la place pour apprécier la qualité de l’accueil et l’attention si chaleureuse de l’équipe médicale de l’Hôpital Central. Puis tout se brouille. Soudain. J’ai l’impression d’avoir perdu le fil un moment. Peut-être une petite syncope. J’ai la boule au ventre. Je ressens une fatigue extrême. Je suis lasse. Vais-je ressortir de cette chambre confortable où je suis désormais en isolement ? Le protocole de soin est enclenché ce même lundi, au soir. L’équipe médicale, confinée dans des combinaisons qui laissent à peine apparaître leurs visages, achève de me donner l’impression d’un rêve. Lunaire.
J’ai peur. «On meurt de ce truc comme un jeu». Je surprends de temps en temps des filets de larmes qui vont se mourir sur l’oreiller. Larmes que viennent essuyer heureusement, les coups de fil nombreux de frères de sœurs, d’enfants, de la famille, de parents, de proches, d’amis, de personnalités, de collègues, de confrères, et même d’inconnus. La nouvelle s’est rapidement répandue.
Le PAS DE VISITES sur la porte de ma chambre n’a rien d’un slogan. L’isolement ici est strict. Seul le personnel affecté à la prise en charge peut entrer. Protégé de la tête aux pieds. Pour le stricte nécessaire.
Je ne suis pas sous oxygène. Mais le protocole est pour le moins lourd. Un sympathique petit lot de médicaments et d’injections. Le personnel médical qui s’occupe de moi est d’une abnégation et d’une attention exemplaires. Et surtout d’une patience incommensurable. Ils sont une force dans la bataille que je mène avec ce foutu truc qui s’invite par effraction dans votre corps, malmène votre chair, transforme vos muscles en éponges, broie vos os, joue avec votre température, hérisse vos cheveux, vous laisse dormir au gré de son bon vouloir.
Le téléphone est un compagnon qui me permet de maintenir le lien avec mes enfants, ma famille, les amis et le monde. Mercredi et jeudi, troisième et quatrième jours de mon hospitalisation, j’ai eu peur qu’il ne lâche sous le coup de vos appels nombreux. Il m’est impossible de répondre tout le temps. Je lis vos messages si réconfortants. Je me sens honorée. Aimée. Vos prières, vos attentions et vos messages sont une source vivifiante d’énergie.
MERCI.
Il me reste en principe une dizaine de jours de traitement à tenir avant un autre confinement. Mes pensées sont positives. J’ai confiance en notre personnel de santé.
Il me reste en principe une dizaine de jours de traitement à tenir avant un autre confinement. Mes pensées sont positives. J’ai confiance en notre personnel de santé. J’ai foi que bientôt le Seigneur, par Ses bonnes grâces, me fera ambassadrice dans le combat contre ce vilain virus. Alors je vous parlerai davantage des jours et des nuits dans ma nouvelle chambre. Des pas sans arrêt. Des courses contre la montre pour des malades qui arrivent tous les jours en nombre. Des ordres et bruits lointains. Des mouvements soudains. Je les entends parfois entre deux sommes, de ma chambre où j’essaye de m’occuper lorsque je ne dors pas, en attendant la prochaine nuit, puis le prochain jour.
Ici, j’ai découvert des Camerounais merveilleux. Charmants. Le capitaine de l’équipe de prise en charge des malades du Covid-19, le Pr. Eugène SOBNGWUI. Une crème de Monsieur. Je scrute ses visites et espère entendre ses « Comment tu te sens ce matin » qui marquent le début de mes journées. Je les reçois comme le premier cachet de journées qui commencent pour lui au premier champ du coq et se terminent bien des fois après que l’Oiseau de Minerve ait pris son envol. Son sourire est un soleil. Je n’aurai jamais de mots pour lui dire merci.
Il y a aussi Jeanne Nicole Tally l’infirmière qui s’occupe de moi au quotidien. Ma force, mon soutien absolu, ma côte. Elle a abandonné les siens et elle-même pour se donner, pour se consacrer à sauver des vies. Et Mme Diane ESSOMBE alors, My LADY comme je l’appelle. Avec ses plats 5 étoiles. Livrés tous les jours, en temps et en heure. Et que dire de toute l’équipe mobilisée au front de guerre ici. Que le Seigneur me donne de pouvoir les serrer bientôt contre mon cœur, l’une et l’un après l’autre. Pour leur dire Merci.
Puisse le Seigneur les bénir tous et leur rendre au centuple ce qu’ils donnent aujourd’hui aux malades nombreux. Puisse-t-il bénir tout ce personnel de santé et ces personnes qui travaillent sans heure pour arrêter la pandémie et les morts qu’elle engendre. Puisse notre État et notre peuple leur exprimer, de manière forte et marquante, l’expression de notre infinie reconnaissance.
Minuit. Des pleurs au loin. Dus au Covid ou à autre chose ? Je n’ai pas envie de savoir. J’ai juste envie de prier pour toutes ces âmes qui s’en vont.
1h. Le calme est revenu. Un moment de répit. La musique douce des pas dans le couloir est, mine de rien, en train de devenir une inattendue berceuse qui charrie quelque peu ma solitude. Allongée comme la plupart du temps, je m’en vais chercher les bras de Morphée. L’étreinte sera courte mais suffisante pour donner, je l’espère, aux remontants d’agir plus qu’ils ne l’ont fait aujourd’hui. J’ai foi.
Je vous aime…Prenez soin de vous. Redoublez d’attention. Ce virus est une réalité. Il est parmi nous. Invisible. Mais terrible quand il s’infiltre en vous. Je ne vous le souhaite pas en tout cas. Redoublez d’attention…››
This post was published on 16 mai 2020 9 h 30 min
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