Point de vue

La presse est morte, créez votre presse – Par Xavier Messe

Le journaliste analyse la décision de certains patrons de presse de ne pas publier le 04 mai dernier. Par cette décision, il souhaitait célébrer  ainsi à leur manière la journée mondiale de la liberté de la presse.

L’analyse de Xavier Messe

Ceci ressemble à un spot à la Séguéla. Ce n’est pourtant pas cela. C’est plutôt une alerte. Beaucoup de nos confrères ont rangé leurs plumes et leurs ordinateurs lundi 04 mai, un jour après celui de la complainte de tous les confrères qui implorent que les journalistes ne soient plus menacés dans l’exercice de leur métier, et que la presse soit libre dans le monde.

Regardons la vérité après les symboles du débrayage de lundi réussi ou non, après les complaintes en antiennes de la JILP: cette vérité est que, la presse va très mal. Ce ne sont pas les subventions des États qui la sauveront, mais plutôt les intelligences de ses promoteurs.

Du XVè siècle à nos jours, cinq grands médias sont nés: livre, journal, radio, télé et Internet. Résumons en gros  qu’il y a eu un media par siècle. La naissance d’un nouveau média s’est toujours accompagnée des frayeurs, de la panique et des interrogations. Passés ce temps des tempêtes, s’en suit celui des réflexions, puis la coexistence et la cohabitation harmonieuses.

Le journal n’a pas tué le livre, la radio et la télévision n’ont pas tué leurs devanciers. Internet ne tuera pas ses prédécesseurs. Il les avale seulement. C’est là que devraient intervenir  les intelligences des promoteurs des premiers médias, pour créer une coexistence et une cohabitation harmonieuses avec Internet. Nous sommes obligés d’évoluer vers un média global : le livre, le journal, la radio et la télévision n’ont plus de frontières étanches; ils migrent tous vers le numérique conquérant et envahissant. En subissant la montée en puissance d’Internet, les budgets publicitaires et les lecteurs suivent cette migration. La désaffection du jeune public pour l’Ecrit, développe la culture du tout-gratuit. Il faut tenir compte de cette révolution dans les pratiques de la presse écrite.

Lorsque des confrères observent une journée « kiosques morts » parce que l’Etat ne les aident pas, je me dis qu’ils n’ont encore rien compris de toutes ces mutations qui s’opèrent dans ce domaine sous leurs yeux. L’Etat peut octroyer des aides indirectes à la presse, cela se fait partout dans le monde; mais il ne devrait accorder des aides directes que dans des conditions particulières: une commission spéciale doit constater qu’une publication qui assure  de véritables missions dévolues à la presse, avec un lectorat vérifié, ne peut plus assumer ses missions d’information, d’éducation et de divertissement, faute de trésorerie. A vouloir « aider » à la pelle, on financera même une presse des caniveaux qui désinforme, calomnie, injurie, invective, répand la haine et abruti à la fin.

Des intelligences humaines doivent travailler afin de créer la nouvelle presse, après la mort de la vieille presse qui n’aura pas été capable de s’adapter à la coexistence et à la cohabitation que nous impose la révolution en cours, et que le nouveau lecteur attend de constater dans son journal. On peut réussir cette adaptation, on doit l’affronter.

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