« On a momifié le système tel que si le chef de l’État est indisponible, tout le pays est indisponible » affirme Dieudonné Essomba dans LE DUEL sur Canal 2
Dieudonné Essomba, défenseur du fédéralisme était sur le plateau du programme « Duel » sur Canal 2 le dimanche 15 mai 2022. Pour défendre ses idées fédéralistes, l’économiste avait en face de lui, l’internationaliste Michèle Dikoume, favorable à l’État unitaire décentralisé. Durant deux heures d’horloge, les deux panélistes, chacun dans sa vision de la forme de l’État du Cameroun, a posé ses arguments sur la table.
Si pour la militante du parti au pouvoir, Florence Dikoume il faut rester dans la continuité pour « la simple raison que nous vivons dans un Cameroun en marche », et que le « Cameroun en marche ne nait pas aujourd’hui », il faudrait aller puiser dans la diachronie de l’histoire politique du pays : « Lorsque nous regardons le régime des communes, il date d’avant les indépendances. On a eu en 1941, la création des communes de Douala et Yaoundé, et avec le temps, nous avons évolué vers la décentralisation. Nous avons eu l’ouverture démocratique en 1990 avec le multipartisme, démontrait déjà qu’à un certain moment, l’État unitaire allait s’effriter et que nous allions fatalement pencher vers la décentralisation… », rappelle-t-elle.
Et de renchérir : « Nous sommes quand même l’un des rares pays en Afrique où on trouve des capitales régionales bien développées… Nous avons l’intime conviction que c’est l’État unitaire décentralisé qu’il faut aux Camerounais pour qu’enfin, le Camerounais soit lui-même acteur et le gendarme de son propre développement ».
« Lorsqu’il n’y a aucun enjeu de l’État, les communautés vivent bien »
Réagissant dans la foulée de son vis-à-vis, l’Économiste et statisticien Dieudonné Essomba s’est évertué à déconstruire la vision politique du régime en place, qui selon lui, a « ligoté les Camerounais ».
« Je dois d’abord préciser que je suis économiste. Et un économiste doit aborder toutes les problématiques comme un projet. L’État unitaire était un projet. L’idée à la base c’était que le Cameroun a été construit historiquement par des forces extérieures. D’abord les Allemands, ensuite le tandem français-britannique. Cela s’est passé sans demander l’avis des différents segments communautaires qui en faisaient partie. Lorsqu’on aborde les indépendances, il y avait une idéologie à l’époque. Cette idéologie était que la diversité tribale, était nécessairement, quelque chose de négatif. Et qu’il fallait d’office écraser cette diversité. A l’époque, le projet avait une certaine pertinence parce que l’argumentaire était là. Premièrement, les États avaient les moyens d’écraser les communautés. Il y avait le parti unique. Il fallait simplement que le gouvernement qui était au pouvoir dicte sa vision de l’État, pour qu’un dispositif puissant impose ça aux populations » recadre Dieudonné Essomba d’entrée de jeu.
Poursuivant, l’invité de Rodrigue Tongué renseigne que les rivalités entre communautés qui s’observent en ce moment dans le pays sont entretenues par l’État unitaire : « Lorsqu’il n’y a aucun enjeu de l’État, les communautés vivent bien. Dès que survient un enjeu de l’État… Vous voyez les Bakweri qui sont au Sud-ouest, les Makia qui sont à l’Est, les Toupouri qui sont à l’Extrême-Nord. Ils n’ont rien à voir ensemble. Ils n’ont pas à se quereller. Ils vont se quereller parce que les listes de l’Enam ont privilégié tel… Nous avons un État qui fabrique les tensions intercommunautaires. Et ça, c’est l’État unitaire », soutient-il.
Aussi, Dieudonné Essomba estime que , « L’État unitaire multiplie des incohérences fonctionnelles sur sa propre citoyenneté. On dit aux gens, le Camerounais est partout chez lui. Mais lorsqu’il s’agit d’un poste de maire, vous n’êtes plus chez vous. On a momifié le système tel que si le chef de l’État est malade, tout le pays est malade. Si le chef de l’État est indisponible, tout le pays est indisponible. C’est-à-dire que les Camerounais sont garrotés. Et le pire dans ça, c’est qu’avec l’État unitaire, même un simple marabout peut contrôler la politique du Cameroun », a-t-il déclaré.