L’histoire de télépodium racontée par Elvis Kemayo
Elvis Kemayo est connu comme le présentateur vedette et metteur en scène de la célèbre émission Télé podium qu’il a animée pendant 5 ans sur la télévision nationale (CTV) de 1986 à 1991. Dans une interview accordée au journal Mutations en 2018, le présentateur racontait l’histoire de son arrivée à la télévision, la naissance de ce télé-crochet à succès, et son départ du programme.
‹‹ En 1982 ou 1983, le ministère de la Culture et de l’Information m’envoie une invitation comme le faisait le président Ahidjo tous les ans pour venir chanter pour le 20 mai. Je suis parti du Gabon où je travaillais pour remonter en France, préparer mes danseuses, louer la salle, faire les costumes. Un mois après, ils ont annulé. Sauf que j’avais une ardoise. Ça faisait 1,5 million Fcfa. J’ai envoyé la lettre recommandée au ministère et un an plus tard, toujours rien. Alors, j’étais de passage ici en 1986, je suis allé au ministère voir le ministre Georges Ngango. Je lui ai expliqué que je suis venu réclamer ma petite facture qui date d’un an, d’1,5 million de Fcfa. Il me dit : « mon fils, sois le bienvenu ». L’info claire et nette. Il prend une plume et un papier, il écrit. Il me dit : « tu es là, tu es en bonne santé ? Va donner au Secrétaire d’Etat ». Je descends voir le Secrétaire d’Etat, M. Onambele : « mon fils, sois le bienvenu, comment tu vas ? Va donner ça à Etoga Eily. » Je dis Ok ! Je me rends à la Crtv, je donne le papier au Dg : « Ah, mon fils tu es là ? Oh c’est très bien ! Va voir le Dga ». Je suis convaincu que j’allais porter un sac de billets de Fcfa, un pactole ! Je me dis, ça y est ! Mon Dieu, ils ont pitié de moi, je suis riche ! Je vais voir le Dga, je lui remets le papier, il se met à rire. Je lui demande pourquoi, car je viens chercher mon argent. Il me répond : « non, on te dit de rester au pays. Tu as assez servi au Gabon. Maintenant, notre télévision est vierge. Il nous faut des émissions de variétés, on a les yeux sur toi ! Va concocter une émission et demain matin, tu viens nous la proposer. Je suis allé à la maison, j’ai tourné en rond. Et comme j’ai fait plusieurs émissions de variétés en France, aux Etats-Unis, c’était plus facile pour moi de créer Télé Podium.››
Je ne pouvais pas rester dans les couloirs comme les fonctionnaires quand on les enlève d’un poste.
Son départ de l’émission 5 ans plus tard survient après le débarquement de Florent Etoga Eily, ancien Directeur de la CRT: « On ne m’a pas chassé en vérité de Télé Podium. J’ai jeté l’éponge. En réalité, quand on a enlevé le défunt Dg Florent Etoga Eily, lui qui me supportait et qui me protégeait, il ne manquait plus que moi à évincer. On m’a arraché l’émission, on a donné à quelqu’un d’autre. Je ne pouvais pas rester dans les couloirs comme les fonctionnaires quand on les enlève d’un poste. Ils viennent tous les matins pointer dans le couloir. Je suis un artiste ! Je suis parti. »
Elvis Kemayo de la musique à la télévision
« Je suis plus chanteur qu’animateur. Mais aujourd’hui, je me plais énormément dans l’animation. J’aime faire rire les gens, j’aime raconter de petites histoires. C’est un hasard. Je suis venu réclamer mon argent et on m’a demandé d’apporter une émission. Je faisais un peu ça au Gabon, à la télévision gabonaise, mais c’était avec toute une équipe. Ce n’était pas Elvis Kemayo devant comme à Télé Podium, devant un public au palais des Congrès rempli par plus de deux mille personnes. J’étais conscient que tout le Cameroun me regardait. C’était difficile. Mais je me transforme. Ma personnalité artistique est très différente de ma personnalité privée. Quand Télé Podium passait, je me regardais à la télé, je me découvrais. On aurait dit que j’avais un esprit qui me permettait de me transcender. Mais même en étant vedette, je ne me sens pas du tout dans la peau d’une star. Je suis quelqu’un de très simple, de très humble. J’aime la vie, mais cette vie musicale, artistique, « vedettariale » m’empêche maintenant de sortir et de vivre comme tout le monde. Je ne vais plus en boite, je ne vais plus dans des cafés, je ne vais plus dans les lieux publics comme ça, sauf si c’est pour chanter. C’est très difficile. »